ESS sans langue de bois – Comment les jeunes s’emparent-ils de l’ESS pour faire vivre les territoires ?

En partenariat avec la Macif, le CJDES organisait, le 12 novembre à Paris, une conférence pour donner la parole aux jeunes qui choisissent d’entreprendre différemment sur leur territoire. Un débat riche qui a permis de découvrir 2 projets enthousiasmants : RER à Sarcelles et CASACO à Malakoff.

Comment évolue un territoire autour d’un projet de l’économie sociale et solidaire ? Comment responsabiliser l’ensemble de ses acteurs autour d’un projet permettant à chacun de travailler ensemble malgré des enjeux et des logiques différentes ? Ce type de projets peuvent-ils être dupliqués sur un autre territoire que celui pour lequel il a été conçu ?

C’est à quelques-unes de ces questions – parmi les très nombreuses – qu’ont tenté de répondre les intervenants de cette conférence animée par Laure Delair, présidente du CJDES. Une cinquantaine de délégués nationaux, de membres du CJDES et de militants de l’économie sociale et solidaire étaient au rendez-vous et accueillis par Philippe Perrault, vice-président du groupe Macif.

Fatima Idhammou, fondatrice du Réseau d’échange et de restauration (RER)

Le projet RER a pu être mis en place grâce à la mobilisation des collectivités territoriales et au soutien des habitants du quartier. Le projet est né autour de l’alimentation, en partie pour avoir un modèle économique viable, mais surtout pour faire découvrir le territoire de la ville de Sarcelles en mobilisant les compétences des populations présentes sur le territoire et donc particulièrement dans la valorisation du travail des femmes.
Des acteurs très différents avec des logiques et intérêts parfois antagonistes peuvent arriver à construire un projet commun, surtout lorsqu’entre en jeu la question de la création d’emploi, fait remarquer la fondatrice. La légitimité du projet est issue de la connaissance du territoire, des populations et des acteurs en présence.

« Nous avons été lauréats d’un appel à projets lancé par la SNCF pour la gare de Sarcelles-Garges, avec l’ambition d’y installer un autre type de services. En partant du diagnostic des acteurs sur le territoire, nous avons créé l’association RER (Réseau d’échange et de restauration), avec pour objectifs d’offrir une restauration de qualité, la création d’emplois pour les habitants du quartier et de développer un lieu d’échange et de mixité. C’est aujourd’hui un lieu de vie et une entreprise de 14 salarié.e.s – des emplois non délocalisables car créés au cœur du quartier. Nous sommes soutenus par l’Etat, les collectivités et de nombreux partenaires, dont la Fondation Macif qui nous accompagne pour développer l’accueil d’entrepreneurs dans une démarche d’alimentation durable avec des circuits courts. On produit dans la cuisine, on vend dans le restaurant, on essaie de faire de la fourche à la fourchette. Parce que nous ne sommes pas une entreprise classique expliquer ce qu’est l’ESS est important pour nous et notamment auprès des collectivités et des partenaires, .. »

Aurélien Denaes, cofondateur de CASACO, tiers lieux coopératif

Casaco, tiers lieux coopératif à Malakoff, met en avant les principes de mutualisation des coûts et des moyens, de solidarité et de démocratie, avec une gouvernance participative, faisant de ce tiers-lieu un endroit unique où chacun contribue pour faire avancer des projets aux services des autres.
Le tiers-lieu est également un lieu de confrontation politique, car c’est un espace qui porte un rôle dans la société et qui revendique le commun des ressources, la création d’une communauté et d’un lieu de rencontre.

« L’aventure CASACO a démarré il y a 5 ans et aujourd’hui c’est un espace de plus de 500 m2 à Malakoff, au sud de Paris, qui réunit une communauté de 140 membres et 64 associés de la coopérative. Avec ce tiers lieu, nous répondons à des besoins fonctionnels – avoir des bureaux communs pour travailler- mais nous avons aussi envie d’y créer du collectif. Nous testons beaucoup de choses, en lien avec des coopératives d’activité et d’emploi (CAE). Nous réfléchissons à la façon de créer des espaces de solidarité qui s’équilibrent.
Nous sommes aussi dans la recherche de notre capacité à réinventer nos conditions de travail, en ayant chacun une vision intégrale de sa vie et de son travail. Le tiers lieu permet d’enlever les silos qui existent sur un territoire : chez nous se retrouvent des élus, des entrepreneurs, des travailleurs indépendants, des porteurs de projets, des individus… Notre projet est unique, je ne pense pas qu’on puisse le dupliquer sur la ville d’à côté, c’est une communauté de vie qui s’est construite avec les acteurs de ce territoire-là et pour des besoins spécifiques aux territoires. »

Claude Verne, animateur de la commission nationale économie sociale et solidaire à la MACIF

« Ces deux projets sont enthousiasmants ! Ils ont en commun de redonner du sens au lien social sur les territoires, qui est indispensable pour y vivre au quotidien.
Pour rappel, 12,5% des personnes sont totalement isolées selon les chiffres de la dernière étude de la Fondation de France. Ces deux projets sont aussi construits avec un modèle économique pérenne et complet. Des citoyens qui s’engagent dans une association pour faire vivre un lieu de façon transversale avec un vrai modèle en devenir, cela intéresse bien sûr le groupe Macif. On ne peut pas savoir ce qui se développera demain sur les territoires, on le construit au fur et à mesure, en mettant tout le monde autour de la table on peut inventer quelque chose, le faire évoluer progressivement. Ce qui est intéressant pour nous, en tant que délégués du groupe Macif, c’est que ces projets peuvent nous bousculer dans nos certitudes et, en cela, ils peuvent aussi nous faire avancer dans nos réflexions. Nous avons besoin d’acteurs comme ces jeunes qui s’engagent sur les territoires, avec leurs convictions et leur imagination. »

De gauche à droite : Claude Verne, animateur de la commission nationale ESS à la MACIF,, Aurélien Denaes, cofondateur du tiers lieu Casaco à Malakoff, Fatima Idhammou, fondatrice de l’association Réseau d’échange et de restauration (RER) à Garges-Sarcelles, et Laure Delair, présidente du CJDES, animatrice de la table ronde du 12 novembre.