La commande publique représente 200 milliards d’euros, soit 10 % de notre PIB. Elle constitue un levier économique majeur pour accompagner les transitions écologiques et sociales, et améliorer l’efficience de la dépense publique.
C’est aussi un moyen de valoriser les entreprises qui s’engagent volontairement sur le plan environnemental et social. En 2014, la commande publique a fait l’objet d’une réforme d’envergure sur le plan européen, sa transposition en droit français en 2015 a été l’occasion de simplifier et de moderniser les procédures de passation des marchés publics. Outre la prise en compte du développement durable dans la définition des besoins, diverses innovations ont été introduites : extension des marchés réservés aux opérateurs économiques employant des travailleurs handicapés ou des personnes éloignées du marché de l’emploi, et aux structures de l’ESS ; reconnaissance du sourçage ; recours à l’allotissement ; possibilité de recourir à des labels ; etc.
Quant aux conditions d’exécution et critères d’attribution, via des clauses sociales ou environnementales, ils permettent de retenir le soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. L’obligation d’adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) concerne les collectivités dépassant les 100 millions d’euros d’achat public par an.
Au niveau national, deux plans nationaux d’action pour les achats publics durables (PNAAPD) ont été adoptés, le dernier couvrant la période 2014-2020 a notamment fixé pour objectif que 30 % de marchés intègrent à terme une disposition environnementale et 25 % une disposition sociale. Ces objectifs ambitieux sont actuellement loin d’être atteints.
En effet, l’étude dresse le constat global d’un lent cheminement des clauses sociales et environnementales, ainsi qu’un faible pourcentage d’adoption de SPASER. Si la nouvelle architecture de la commande publique impacte, en raison de son caractère responsable et novateur, la pratique des acheteur.euse.s public. que.s – qu’il.elle.s soient ordonnateur. rice.s ou gestionnaires – seul.e.s les plus aguerri.e.s ont adapté en conséquence leurs stratégies d’achat.
Autres constats, malgré le principe de l’allotissement la part des TPE/PME dans le volume des achats reste faible, tandis que les clauses sociales sont essentiellement concentrées sur le levier de l’insertion des personnes éloignées de l’emploi et des personnes handicapées. De même, l’insertion des clauses environnementales et des circuits courts produisent des effets contrastés, certaines novations comme la prise en compte du cycle de vie des produits ou services se révélant complexe dans la pratique. Enfin, que ce soient pour innover tout en évitant les appels d’offres infructueux quand on est acheteur.euse, ou valoriser ses offres présentant des atouts environnementaux et/ou sociaux quand on est une entreprise, la question de la rencontre entre les acteur.rice.s au bénéfice d’une commande publique responsable n’est pas toujours aisée.
LES PISTES DU CESE
I – METTRE REELLEMENT EN ŒUVRE LES POSSIBILITES OUVERTES PAR LA REFORME DE 2015 POUR :
Ê1. Accélérer les formations et les échanges de pratiques vertueuses entre acheteur.euse.s en : – déployant des modules harmonisés de formation ; – soutenant l’animation de leurs réseaux (partage des solutions innovantes et des « bonnes pratiques »).
Ê2. Développer la pratique du sourçage (ou sourcing) par l’incitation des parties prenantes à l’utiliser davantage afin de concilier : – exigences techniques et performances durables ; – égalité de traitement entre les soumissionnaires.
Ê3. Examiner pleinement les critères d’attribution et les conditions d’exécution des marchés pour : a. Elargir la notion de clauses sociales en prenant en considération : – l’apprentissage, la formation continue et l’égalité professionnelle ; – l’ancrage territorial des emplois et des activités. b. Mieux mesurer l’impact global en matière environnementale en intégrant : – les éléments d’évaluation et de comparaison de coût global ; – les coûts induits des externalités négatives et positives. c. Prendre en compte des démarches RSE en encourageant : – les labellisations ; – les référentiels professionnels. d. Faciliter l’accès des TPE/PME en créant un contexte favorable destiné à : – écarter les offres anormalement basses et « sur-performantes » ; – éviter la massification des achats et généraliser l’allotissement ; – soutenir le développement des Groupements momentanés d’entreprises (GME) et généraliser le dispositif Marché public simplifié ; – adapter les critères d’attribution à la taille et au métier des soumissionnaires potentiels ; – faciliter l’accès aux différentes consultations ; – améliorer les conditions de paiement.
Ê4. Cadrer certains objectifs des SPASER autour des finalités suivantes : – un objectif en volume et montant de marchés orientés vers les TPE/PME, et les structures de l’ESS ; – une évaluation du déploiement des pratiques de sourçage ; – un suivi du pourcentage des clauses sociales et environnementales mises en œuvre ; – une prise en compte des critères « hors prix » et leur pondération ; – une implication des parties prenantes à la définition et réalisation des objectifs.
Ê5. Mobiliser les associations professionnelles pour : – acculturer leurs adhérent.e.s aux processus de la commande publique et les accompagner vers des démarches de certification, qualification et labellisation ; – faciliter la structuration de groupements de TPE/PME pour une réponse groupée aux appels d’offres.
Ê6. Mettre en place de véritables outils annuels de mesure et de progrès pour : – disposer de données complètes et suivre les pratiques de chaque catégorie d’acheteur.euse.s ; – apprécier l’évolution des clauses sociales et environnementales ; – analyser les éléments conjoncturels et factuels influençant les pratiques vertueuses ; – inciter les collectivités territoriales à publier un « reporting ».
II – REVISER A TERME CERTAINS PRINCIPES POUR PRODUIRE DES EFFETS PLUS STRUCTURANTS
Ê1. Au niveau français – Face aux difficultés liées au partage des responsabilités dans le cadre d’un GME solidaire, la durée de solidarité pourrait être modulée en fonction de l’objet du marché et des prestations à réaliser.
Ê2. Au niveau européen – La reconnaissance de certaines propriétés et qualités s’exercerait par la possibilité de mentionner l’origine des produits afin de faciliter les achats de proximité et l’approvisionnement local. – Les dirigeant.e.s politiques français.e.s sont invité.e.s à porter au niveau européen un objectif de négociation de dérogations similaires au bénéfice des PME européennes et nationales afin d’orienter massivement la commande publique vers elles.